17 mai 2008

Des arguments de poids (ajout)

Je suis une femme qu'on peut qualifier de ronde... très ronde, bien enrobée, très en chair. Une belle ronde bien en forme (autant dans le sens découpée que dans le sens santé). Je suis très à l'aise avec mon corps et bien dans ma peau.

Avec le temps j'ai vite appris à en rire, à faire des blagues, des jeux de mots ou des allusions plus ou moins évidentes sur ma grosseur. Trois réactions s'offrent à moi. Il y a ceux qui se mortifient à ma place ("Hoooooon ben là tu ne devrais pas dire ça de toi, voyons donc, ne te rabaisse pas!!!"), ceux qui deviennent tout simplement mal à l'aise et ceux qui voient le côté dédramatisé et humoristique de la chose. Aux deux premiers je réponds que je ne me rabaisse pas bien au contraire, que je me tiens bien droite et que je ris de moi-même avec moi-même non pas pour me taper dessus, mais plutôt pour montrer aux gens que je suis bien dans ma peau.

Je me sers de cette approche aussi en classe. Les élèves le voient très bien que je suis ronde, que je suis très ronde et savent bien qu'il serait suicidaire de me faire une allusion déplacée. Je me sers de l'ambiguïté créée pour passer plusieurs messages. Par exemple, j'utilise souvent le "Youhou mon coco!!! Tu fais beaucoup de bruit en montant les escaliers! Écoute, c'est moi la plus pesante des deux et je ne fais aucun bruit avec mes pieds!!!". Généralement les élèves me regardent candidement, sachant bien de quoi je parle, bien qu'il sache aussi qu'il ne peut pas me retourner la blague. Sinon, quelques-uns parmi les plus petits associent "pesant" à "oui, tu es plus grande et moi je suis petit".

Avec les plus vieux du 3e cycle, dernièrement, j'ai lancé (en fait, testé) en guise de réponse au classique "j'ai rien fait!!!!" un "Heille, prends-moi pour une nouille si tu veux, mais pas pour une grosse nouille épaisse!!!". Ça a eu l'effet escompté : l'élève n'a pas pu trouver de réplique, ne sachant pas si je venais de lui donner l'improbable autorisation de me traiter de nouille ou si je venais de lui interdire de me traiter de grosse. Les autres ont ri de le voir essayer d'allumer et de me dire quelque chose d'intelligent.

Finalement, il y a une réplique que j'utilise régulièrement, pour tous les âges et qui est un de mes classiques. Lorsque j'ai un élève qui se lève pour rien, qui achale les autres ou qui ne se tient vraiment pas tranquille (au-delà des gigoteux sur leur chaise), j'interviens avec des rappels, des avertissements puis des conséquences. Or, la première conséquence que j'utilise se veut humoristique, mais sur un ton et un air très sérieux qui indique que le prochain coup, il arrivera vraiment quelque chose.

"Si tu continues comme ça, je m'assois sur toi... tu vas voir que, là, tu vas te tenir tranquille"...

Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai la paix pendant quelques minutes...

AJOUT: Je tiens à ajouter un autre classique auquel je viens de penser, celui que j'adresse aux élèves qui s'assoient au bout de leur chaise ainsi qu'à bout de bras de leur pupitre. "Non, mais, c'est lequel de nous deux qui prend le plus de place dans la vie, lequel qui a le plus (gros postérieur, gros derrière, gros popotin ou de fesses, c'est selon l'âge...)? C'est drôle, mais si je m'assois à ta place, je vais prendre deux fois moins de place que toi maintenant." Devinez le résultat? :)

01 mai 2008

Bon coup, sourire et serrements de dents

Comment s'arranger pour que Blaise déguste sans rechigner le chocolat de notre dégustation de chocolats-moins-sucrés-et-bons-pour-la-santé,-mais-ô-combien-plaisants-pareil-à-manger-et-mieux-à-choisir? Dire au groupe qu'ils sont tous obligés de goûter aux chocolats et ajouter, au moment même où il veut s'objecter (sa bouche prend automatiquement une forme de M pour commencer à dire "moi, je..."), que tous ceux qui n'auront pas pris une mordée dans leur morceau pour goûter, même s'ils ont droit de ne pas aimer, n'auront pas le droit à un morceau du meilleur chocolat au lait. Le sourire qu'il m'a fait avec un air de "OK j'abdique tu m'as encore eu...". Après, il m'a par contre donné le change en me disant que "moi j'aime ça le 75%" alors que d'autres ont fait la grimace. Ptit Verrat va, tu pouvais bien vouloir manger ton pain sec pour ne pas prendre le beurre que tu avais baratté, au cas où ça n'aurait pas été bon!!!

Présentement, dans ma classe de maternelle, il y a beaucoup de compétition. Plusieurs élèves font beaucoup d'efforts pour arriver à être premiers. Premiers à quoi? À lire et décoder les messages et les mots qui les entourent. Deux des plus gros compétiteurs sont Sara (qui finalement n'a tout simplement pas de soeur sauf une soeur imaginaire!) et mon cher Danny (nom fictif, mais il va bien à ce petit Asiatique hyper bollé et allumé). Tous les deux sont les piliers de la course; ils décodent tous les sons et mots de mes messages quotidiens, essaient d'écrire au son, cherchent des livres faciles à lire à la bibliothèque et aident les autres. Ma collègue et moi n'avons pas fait d'enseignement systématique, seulement de l'éveil au "nom" et aux "voix" des lettres grâce à la méthode "Raconte-moi l'alphabet" et à la lecture et aux mots grâce aux messages quotidiens. C'est ce que j'aime à la maternelle: voir chacun développer ses habiletés et évoluer.

Serrement de dents et serrement de coeur. J'ai pris une décision qui m'arrache un peu beaucoup le coeur. Pour le prochain affichage, je jonglais avec l'idée, s'il n'y a plus à ma position de postes temps plein ou partiel, de reprendre le même poste de suppléante que cette année et que les années passées. Or, les problèmes de placement ont recommencé, les explications sont toujours aussi boiteuses et je suis réellement écoeurée que la fonction de suppléante occasionnelle ne soit perçue que comme une fonction de bouche-trou à rentabiliser. Ce n'est donc qu'en dernier recours, en tout dernier recours, si et seulement si plus rien d'intéressant n'est disponible même à 1h de voyagement de chez moi, que je reprendrais le genre de poste que j'ai présentement. Un contrat comme le mien a toujours existé dans le but d'assurer et de favoriser la sacro-sainte stabilité aux élèves (et aussi au personnel, nous aussi sommes des humains), mais on ne juge pas (ou on ne veut plus avec la pénurie de suppléants, qui sont tout aussi écoeurés que moi) que ce soit nécessaire. Toutes ces années, je l'ai pris pour la presque stabilité que ça offrait à tout le monde, pour le milieu et les élèves/collègues que je connais et adore et surtout pour cette collègue que j'adore plus que tout. Pour tout ça, ça me serre le coeur, mais j'ai aussi peur vu que je me remets intentionnellement en situation précaire...