Gros titre han... mais lorsque les événements que je vais décrire se sont déroulés, c'était pour moi pire que tout. Une grosse souffrance. Je l'ai surpassée évidemment, sinon je ne serais pas en train de faire un doigt d'honneur dans une direction géographique bien précise.
Tenez-vous bien, le récit est long, mais ça explique pourquoi je suis heureuse aujourd'hui et pourquoi je fais tout pour conserver ce bonheur. Et surtout, j'ai besoin de l'écrire d'une traite en résumant le plus possible, car c'est la première fois que je l'écris. Une sorte de finale à l'épisode quoi. J'en ai souvent parlé, je le raconterai probablement encore... mais écrit, ce sera la dernière. Écrire fait, disons, ressortir les émotions encore plus. Grosses émotions. Je vous l'avais dit que je le ferais, mais je réalise que ça brasse même si c'est un "case solved" pour moi. Pas oublié, pas oubliable, alors ça explique.
Quand le tout s'est déroulé, j'étais certaine d'être la plus pourrie, la plus poche et la plus nulle des nullardes. J'étais sûre de ne pas avoir ma place en éducation. Bref, j'avais l'égo en poussières. Et c'était le premier échec de ma vie, même si par la suite j'ai vite découvert que ce n'était pas un échec dont j'étais responsable, ou à tout le moins où la part de responsabilité qu'on m'attribuait n'était pas la bonne.
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Mes trois premiers stages s'étaient bien déroulés. Pour le quatrième, je voulais me spécialiser au préscolaire. C'est ce que je voulais, et j'y étais bonne. J'avais même fait un remplacement de 2 mois en fin d'année dans une classe où tous les élèves avaient des bulles grosses comme des camions, des chicanes de filles avant l'âge, une élève qui se promenait sous les tables lorsqu'en crise et un enfant dysphasique qui avait les émotions à fleur de peau (et c'est normal puisque pour lui communiquer autrement qu'en criant et en fessant n'était possible). J'avais passé au travers de l'expérience d'avoir ma classe pendant 2 mois, sans personne derrière de moi pour m'observer, avec brio.
J'ai obtenu pour mon 4e stage une place dans une classe de maternelle dans un décor de rêve, dans un milieu on ne peut plus favorisé, avec un maître associé génial, des enfants allumés, un enseignant qui travaillait en projet pur et dur (sans cordes ni filet, partant des enfants, sans rien de préparé d'avance), approche que je voulais explorer. Bref, la totale. Or, le rêve s'est vite changé en cauchemar. Je vous épargne les détails, mais un des enfants a viré bout pour bout dès que le maître associé a quitté la classe pour me la laisser en main à 100%. Il avait fait des crises en début d'année, mais ça avait été mis, lors de mes observations, sur le compte de l'adaptation, car tout s'était résorbé, au grand bonheur de l'enseignant qui trouvait qu'il avait travaillé fort pour ça. Plus de démarches auprès des spécialistes, et celles entâmées ont été abandonnées.
Donc, il faisait, une semaine après le début de ma prise en charge totale, des crises à n'en plus finir, des délires, courir partout, etc. Pour couronner le tout, sa petite voisine et grande amie entrait, elle aussi, en transe (et quand je dis transe, c'est qu'elle en prenait vraiment l'allure, yeux fermés, bouche ouverte et danse de Saint-Guy) et l'encourageait carrément et ouvertement à délirer encore plus. Enfin, un 3e élève, voyant les autres s'amuser follement, s'est inclus dans la danse.
Je ne savais plus quoi faire, j'ai épuisé tous les trucs que je connaissais. Je ne pouvais faire appel à la direction, car y envoyer un élève était mal vu par celle-ci. Je demandais de l'aide à mon maître associé, mais il me disait qu'il ne pouvait pas me donner ses trucs, car "ce ne sont pas les tiens, et ils ne réussiront pas avec toi peut-être". Pire que ça, il semblait que les interventions que je tentais faisaient grossir le problème, un peu à la "Cinquième élément", comme le vaisseau qui s'est fait engloutir par le mal. Une fois, je suis allée carrément porter l'enfant à la salle des profs, où était mon maître associé qui a ri devant l'enfant pour ensuite se resaisir et prendre l'enfant avec lui. Disons que je me sentais d'autant plus seule, mais que je me disais, ouais c'est drôle à première vue, une chance qu'il s'est ressaisi par contre.
Et ça continuait à mal aller. Pire, tout a pété au moment où mon superviseur était en classe, les trois courant partout et jetant tout en l'air. Le drame alors: on parlait de me faire reprendre un minimum de 5 semaines de stage dans cette classe, que j'avais un problème de gestion. Mon superviseur m'a même dit que la direction voulait me rencontrer parce qu'elle trouvait ça dangereux, puisque j'avais crié et étais allé porter l'enfant chez l'enseignant, mais quel la direction m'avait intercepté au passage (sortant de son bureau pour une des rares fois depuis le début de mon stage). Mon maître associé a proposé (enfin) qu'on rencontre les hogues, qu'il ne pensait pas que le petit en aurait besoin finalement. Moi qui n'osais pas le faire ni en parler, surtout après la fin de non-recevoir précédente à mes appels à l'aide qui sonnait comme un "débrouille-toi toute seule, c'est toi le problème".
J'ai passé alors une fin de semaine affreuse. Mes collègues d'Université m'avaient vu finir la semaine, dans notre cours stage, complètement détruite, en questionnement, même qu'un collègue (et merci à lui) m'avait secouée pour que je puisse finir la journée en évacuant le tout de mes pensées et m'a amené au bar de l'Université Je n'ai rien bu, je ne bois jamais, quoique l'envie de prendre ma première brosse à vie me séduisait de plus en plus, d'où finalement mon départ. Ça faisait trop mal, et je ne voulais pas en arriver à cette solution de me saoûler. J'ai passé la fin de semaine à pleurer, à me questionner, à chercher dans mes livres de gestions de classe et d'élèves en difficultés tous les moyens possibles, que j'ai notés, planifiés, intégrés, me disant que je ne me laisserais pas faire.
Le lundi, mon maître associé a recommencé à être dans la classe. Les élèves en question se sont calmés. Sauf que, moi, j'avais toujours la peur, dans le fin fond de moi, qui grondait. J'ai fait la matinée, qui s'est bien passée, sauf que je n'étais pas seule.
Dans l'après-midi, pour la relaxation, mon maître associé a décidé de me laisser seule; pas de troubles, vu que l'enfant faisait sa relaxation dans le vestiaire. Il est parti... et l'enfant s'est levé, en criant et riant il niaisait dans le vestiaire. Je suis allée pour le calmer, il est parti en vadrouille dans la classe, courant parmi les enfants couchés, accrochant les meubles qui tanguaient. J'ai arrêté le repos et fais lever les enfants voyant que ça devenait dangereux. J'ai pu attraper au vol l'enfant, en faisant un arrêt d'agir (enfin, l'entourant de mes bras sans même le toucher, seulement en barrière). Il s'est retourné, et m'a craché au visage.
J'ai ouvert les bras, il est parti en courant. Et moi, sonnée, je me suis levée et suis sortie de la classe au même moment où mon maître associé entrait en classe. Il m'a regardé, m'a demandé si j'allais, j'ai répondu non, et lui ai expliqué et je suis sortie. J'ai dû faire 2-3 fois le tour du corridor, pour finalement m'arrêter à la porte, ma décision prise, tremblante, l'envie de vomir à l'idée de retourner "là-dedans". En fait, je réalisais que depuis une semaine et demie j'avais envie de vomir chaque matin dans l'autobus, les tripes à l'envers. Je devais me sauver... je ne voyais pas comment j'aurais pu faire encore 5 semaines supplémentaires aux deux qu'il me restait à faire dans ce contexte, seule et pognée dans quelque chose que je ne comprenais même pas.
J'ai annoncé la nouvelle à mon maître associé, qui m'a encouragé dans cette voie, à prendre soin de moi. Ça me déchirait, car les autres enfants étaient géniaux, j'avis du plaisir, ils étaient sensibles. Ils me supportaient carrément, et même une était venue me faire un câlin après un épisode de crise de l'enfant, comme ça, spontanément, en me disant de ne pas m'en faire (mot pour mot). Le lendemain de mon abandon, j'ai rappelé mon maître associé, qui m,a dit que tout allait bien et que le petit lui avait dit que "je te l'avais dit quand on se'st parlé que je redeviendrais gentil quand tu reviendrais".
J'étais trop démolie pour réaliser que je comprenais ce que ça voulait insinuer. Mais avec tout le reste, appris plus tard, j'ai compris.
Donc, j'avise mon superviseur. On s'entend pour que je reprenne le stage avec lui l'année suivante. Pas très optimiste semble-t-il, il dit qu'on aura beaucoup de travail, mais qu'on va y arriver. Je retourne le jeudi après-midi faire mes adieux aux enfants. L'élève est envoyé dans une autre classe, mais le maître associé finit par me laisser avec les deux autres pour partir avec un demi-groupe au gym... Ai-je besoin de dire que la petite fête que je prévoyais a tourné au cauchemar et que je n'avais même plus la force psychologique d'intervenir. J'ai seulement attendu que ça passe et que le prof revienne.
Vous rappelez-vous que je vous ai dit que la direction voulait absolument me voir, selon mon superviseur? Hey bien, pendant tout ce temps je n'ai jamais eu de nouvelle de cette direction. Aucun mémo, aucun rendez-vous, rien. Et bien honnêtement, je n'avais ni la force d'aller quémander l'audience, ni même l'envie. Quand on veut voir quelqu'un, on s'arrange alors que la direction me convoque, me disais-je. Je n'ai eu de ses nouvelles qu'à la toute dernière minute, alors que je m'apprêtais à quitter l'école le jeudi après être allée voir les enfants pour mon adieu. Mon maître associé m'avait proposé un "lift" et, au moment où je l'ai rejoint à la sortie, il m'a dit que la direction voulait me voir. Vlan bang, et ensuite nous nous sommes séparés, moi allant au bureau de la direction.
Et c'est là que, 3 jours après avoir abandonné mon stage, la direction m'a fait un beau discours sur les "qualités certaines personnelles et professionnelles pour enseigner", qu'on m'a dit que j'étais froide et distante, qu'on m'a reproché de ne pas me mêler aux autres. J'ai répliqué que je n'étais pas d'accord. "Ah oui? ah... bon..." m'a-t-on dit avant de continuer. Finalement, je suis sortie de là. En maudit, enragée, à donner des coups de pieds dans le ciment de l'abribus, à me dire que c'était injuste, que je participais à tout ce qui se passait à l'école, que je jasais avec tout le monde, que je ne pouvais pas lui parler puisque jamais là, ou enfermé dans son bureau et qu'on faisait affaire avec l'adjoint pour toute la popote de l'école.
Finalement, au fil du temps, j'ai repris confiance en moi, j'ai arrêté d'angoisser en me disant que l'enseignement n'était pas toute ma vie, mais bien une partie de ma vie et que si jamais je ne pouvais plus enseigner je pourrais aussi faire autre chose de ma vie. J'ai refait ma santé mentale, j'ai refait de la suppléance pour arrêter d'avoir peur. J'ai eu la chance de me faire demander de faire une suppléance à long terme dans une classe très très difficile, en fin d'année, une classe de 2e année où les couteaux volaient bas, où tout était un terrain miné. Une chance que la direction m'a demandé de le faire à brûle pourpoint, sinon je ne crois pas que je me serais lancée dans telle aventure, encore un peu ébréchée j'étais. J'ai réussi pourtant. Haut la main, avec toute l'aide espérée des intervenants, avec les félicitations de tous. Quoi de mieux pour l'égo, pour me faire réaliser que ma personne était faite pour l'enseignement. De l'enfer, je suis retournée vers la lumière.
Plus tard, j'ai appris des choses qui m'ont fait réaliser que toute la situation avait été tissée autour de moi. Premièrement, j'ai réalisé que, si l'enfant avait juré d'être plus gentil, c'est que l'enseignant l'avait rencontré; pourtant, je n'ai jamais été mis au courant de cette rencontre et de cette explication. Et surtout... l'enseignant avait gardé ça pour lui, sans intervenir, et s'en vantait. Ouch. L'intervention de la direction aussi m'a finalement apparu sous son vrai jour, dégradante et tellement en retard.
Mon superviseur devenait plus positif avec moi plus les mois passaient. Trop même que je me disais. Jusqu'à ce que je lise le rapport de stage remis par l'enseignant avec, à l'intérieur, des phrases que je n'oublierai pas, des situations qu'il déformait.
"Madame Dobby dit toujours qu'elle ne sait pas quoi faire" normal non?!? Je te demande de l'aide, je n'ai plus de moyens, je ne sais plus où me jeter, m'exclamai-je devant mon superviseur, qui me regardait en hochant la tête pour me signifier qu'il m'écoutait.
"Madame Dobby n'a aucune préparation de travail, aucune activité de planifiées" Hey ho!!! Il me faisait expérimenter le projet pur et dur, avant Noël tout était déja`planifié et je devais faire ce qu'il y avait, et en janvier je n'ai pas pu rien planifier vu que le projet n'était même pas décidé, et que donc je n'avais rien en main. Je planifiais à la journée en attendant, et je me suis défoncée tous les soirs des 3 semaines et demie suivantes pour planifier le projet décidé ensuite!
"Madame Dobby s'habille de manière dépenaillée qui n'avantage pas sa taille corpulente, il a même fallu que je l'accompagne pour qu'elle aille se changer chez elle"... WWWOOOOOOOHHH MINUTE! ai-je dit... pauvre superviseur a fait le saut et c'est là que j'ai compris qu'il s'attendait à ça. J'ai continué: "Cette personne est qui pour dire cela?!? Je m'habille toujours correctement, proprement, et ce que cette personne dit ce n'est pas vrai. Elle oublie de dire que c'est parce qu'elle tenait à ce que j'ai un veston pour rencontrer des parents qu'elle m'a amenée chez moi en un voyage éclair pour que je me change, alors que j'étais convenablement vêtue". Et surtout.. de quoi je me mêle, ma taille c'est ma taille et elle m'empêche pas d'enseigner?!?!... un chance que j'en étais rendu à m'aimer de ce bord là sinon, attention la descente!
Le superviseur n'a rien dit, il me connaissait assez pour voir que cette affirmation était gratuite. Pour le reste aussi d'ailleurs. Par chance, puisque j'avais abandonné le stage le rapport n'a jamais été déposé. Le mot abandonner est ici important. Je n'étais pas une ratée. J'avais abandonné, pour m'épargner, pour éviter d'y perdre toutes mes plumes, pour éviter de perdre ma santé.
Et moi, j'ai appris que j'avais le droit à mon intégrité et de me respecter dorénavant dans tout ce que j'allais entreprendre, quitte à lâcher prise et abandonner une chose, pour les bonnes raisons évidemment, après m'être battue comme je me suis battue dans ce stage et après malgré toute ma peine et mon désarroi. Mais j'ai aussi appris que je n'avais plus à me détruire comme ça, et que je devais frapper à toutes les portes pour avoir l'aide à laquelle j'ai le droit, et ne pas hésiter à y faire appel le plus vite possible, sans me fier aux autres. Et j'ai appris à ne plus me laisser faire comme je m'étais, inconsciemment, laissée faire, ne plus me refermer sur moi-même, d'agir avant, car j'y étais si mal. J'ai appris que je valais tellement plus, que j'étais bonne, fine, belle et capable.
Et j'ai passé par-dessus l'épisode, pour ne m'en rappeler que comme d'un moteur pour aller toujours plus loin et plus fort.
Ah oui... et j'ai refait mon 4e stage, haut la main, avec une excellente note et d'excellents commentaires. Un an de perdu professionnellement, mais j'ai beaucoup appris n'est-ce pas? ;)
Et j'oubliais. J'ai eu des nouvelles de l'enfant du stage précédent: hyper encadré et contrôlé, par tous les "hogues" possibles et impossibles; tout d'un coup, comme ça, on avait découvert que quelque chose clochait, et au surplus, on demandait de mes nouvelles! Au diable oui!
VLAN!!!